Classification Vox-ATypI des caractères

Maximilien Vox, typographe français, a créé en 1952 une classification qui, à l’opposé de toutes les autres, n’était pas formelle mais historico-culturelle. Donc nous n’examinons pas le type ou la forme du caractère seulement mais leur liaison avec l’esprit de l’époque qui les ont vu naître.

Cette classification, adoptée par toute la profession du monde des Arts et Industries graphiques, permet de faire entrer dans une de ces familles tous les caractères actuellement sur le marché ou, tout au moins, par le principe d’addition de définitions, de pouvoir décrire tous les caractères. Ce classement est actuellement le plus utilisé. Il représente 9 groupes chronologiquement successifs, liés aux grandes évolutions stylistiques de la typographie, liés à l’histoire de la sensibilité européenne. Y ont été rajoutés par l’ATypI (Association Typographique Internationale) deux classements supplémentaires, non prévus par Vox, soit Les Fractures et les Orientales ou non Latines C’est le transfert sémantique, soit le choix d’un caractère sur la base des concepts qu’il sous-tend, qui est intéressant ici (exemple : les didones émergent en pleine époque de la rationalité et de l’époque des lumières, et ont un dessin parfaitement contrasté, un axe vertical soutenu etc.)

Bien entendu, certains caractères dessinés pour le titrage ou pour des amusements typographiques peuvent en être exclus.

Cette classification distingue 11 grandes familles répartie en 4  grandes tendances :

1 – Famille des caractères classiques

Humanes, Garaldes et Réales

Le groupe des Humanes, Garaldes et Réales constitue la trilogie des caractères classiques ou historiques. Leurs caractéristiques communes résident dans leur empattement triangulaire, leurs faibles contrastes entre pleins et déliés, le contraste entre un œil relativement petit comparativement à des longs jambages ou encore une certaine inclinaison de l’axe des lettres.

Les Humanes

Les Humanes

Les Humanes

Les Humanes puisent leurs formes dans la lettre romaine de la Renaissance. Il s’agit des plus anciens caractères latins, apparus à la fin du XVe siècle à Venise et s’inspirant des écritures des manuscrits humanistes de l’époque. On y trouve également des relectures contemporaines de ces caractères qui se singularisent par leur aspect assez lourd, résultat d’un très faible contraste entre pleins et déliés, un axe nettement incliné vers l’arrière et la traverse oblique du «e».

Les humanes sont les caractères qui procèdent des types dits vénitiens inaugurés à la fin du XVe siècle par Nicolas Jenson et son école : qui, renonçant à l’imitation des manuscrits d’écriture populaire, ou gothique, s’inspirèrent de l’écriture humaniste des érudits qui avaient remis en honneur la caroline de Chalemagne, ancêtre de notre actuel bas-de-case.

Les humanes ont un trait ferme et une allure artisanale où se retrouve le calame du scribe : elles sont solidement campées sur leurs empattements épais. Caractérisées, notamment, par la barre oblique de l’«e» minuscule, ce dernier détail n’est cependant pas suffisant pour inclure parmi les Humanes une Garalde authentique comme le Bembo. Par contre elles sont le prototype des « demi-gras », et les version engraissées des autres séries traditionnelles sont à indexer avec tendance Humane.

Cette famille historiquement et typographiquement distincte a été jusqu’ici ignorée de l’imprimerie française, en vertu du trop cartésien « principe de Thibaudeau », qui les classait parmi les elzévirs.

Les Humanes furent rénovées dès la fin du XIXe siècle par les novateurs archïsants de l’école de Ruskin et de William Morris, puis De Roos. Le Gloucester, ou Cheltenham, caractère hybride, est une Humane rationalisée dans le sens Mécane – de par ses proportions classiques et la lourdeur de sa réalisation.

Le vieux Romain, le Véronèse, le Michel-Ange, le Medioeval hollandais sont les modèles les plus usités.

Exemples : Optima, Centaur, ITC Berkeley Oldstyle, Kennerley, Brioso Pro, Adobe Jenson, ITC Golden Type

Les Garaldes

Les Garaldes

Les Garaldes

Les Garaldes rappellent les créations classiques (italiennes et françaises). Elles sont ainsi appelées en référence aux deux pères des deux archétypes de cette famille illustre, le graveur de caractères français Claude Garamont et l’imprimeur et éditeur vénitien Alde Manuce. Dérivées des Humanes, les Garaldes sont caractérisées par des proportions plus fines et des déliés de jonctions plus souples. La traverse du «e» prend la forme horizontale qu’elle ne perdra plus.

Ce nom composé est un hommage aux maîtres de la Renaissance typographique italo-française. Sont classés sous le titre de Garaldes les romains qui furent d’un usage exclusif durant l’âge d’or de la typographie classique, depuis Geoffroy Tory, par Garamond et Plantin, jusqu’à William Caslon et aux Elzéviers – famille de libraires imprimeurs de la fin du XVIIe dont on s’est servi à tort pour baptiser rétrospectivement les chefs d’oeuvres de l’esprit Renaissance.

Les Garaldes sont l’interprétation royale, humaniste et galante de la graphie latine transposée de la pierre sur le papier. La noblesse des proportions, le galbe des courbes, la gaieté des jambages, la délicatesse incisée de l’empattement en font le chef d’oeuvre du dessin.

Issue, par une auttre filiation, de l’élégante cursive de chancellerie, l’italique qui l’accompagne ajoute une note aimable de féminité. Les grecs dénotent, avec l’hellénisme, une savante familiarité.

Le groupe des Garaldes a eu la bonne fortune d’être l’objet de la plus complète entreprise de restauration typographique de ce temps : grace à la société Monotype et au goût érudit de M. Stanley Morison, notre époque dispose d’une gamme étendue des plus beaux types de la Renaissance à son apogée.

Il comprend d’excellentes séries de « labeurs » populaire depuis un siècle comme elzévirs, old faces, romains anciens.

Le départ entre ce groupe et le précédent est en partie affaire de coup d’oeil, et non uniquement de la barre oblique de l’e minuscule, ce qui mènerait à séparer arbitrairement le Bembo de son jumeau le Centaur.

Exemple : Garamond, Galliard, Bembo, Sabon, Palatino, Adobe Caslon

Les Réales

Les Réales

Les Réales

Les Réales comprennent les caractères de labeur dont l’aspect se rapproche des types courants du 18e siècle. Enfants du classicisme du XVIIIe siècle, les Réales sont des caractères austères, marqués par la rationalité de leurs concepteurs. Les Réales sont considérées comme des caractères de transition entre les Garaldes et les Didones : elles tiennent donc de ces deux familles. Les contrastes pleins/déliés sont plus accusés, l’axe tend à se redresser, les empattements à s’affiner.

Le mérite principal de la Classification Nouvelle est de permettre de donner la place qu’ell mérit à l’une des principale familles typographiques, dont l’importance, l’existence même, n’avaient jamais été suffisament reconnues.

Elle est la plus féconde, la plus répandue, la plus vivante; la plupart des « labeurs » procèdent d’elle ou s’y apparentent. Néanmoins faute de pouvoir nommer le groupe des Réales, la typographie ne savait au juste où classer des caractères de la valeur du Baskerville, des Fourniers, des Cochins, du magistral Times de Morison.

En France, le système de Thibaudeau, n’ayant rien prévu pour eux, les passaient sous silence; en Anglais des mots vagues tels que « transition modern », reléguaient dans un no type’s land l’oeurvre majeur du XVIIIe siècle.

La Réale incarne l’esprit à la fois rationaliste et réaliste de l’époque encyclodépique. Sans superstition du passé, sans snobisme du moderne, elle remet au point les caractères existants pour leur donner plus de lisibilité, plus de précision, plus de solidité. En accentuant les gras et les maigres, en calculant les proportions, en remettant à la gravure industrielle ce qui était dévolu à l’artisanat, la Réale inaugure la fonderie moderne.

Elle continue à l’inspirer. Rationalisation dans l’humain : la famille des Réales représente en typographie l’équilibre. Elle n’en a que plus de personnalité.

Exemple : Times, New Baskerville, Century Schoolbook, Electra, Melior

2 – Famille des caractères modernes

Didones, Mécanes et Linéales

Le groupe des Didones, Mécanes et Linéales constitue la trilogie des caractères modernes, nés avec la Révolution industrielle vers la fin du XIXe siècle. Sous l’influence du machinisme, ces caractères ont pour particularité d’être constitués de traits simples et fonctionnels.

Les Didones

Les Didones

Les Didones

Les Didones évoquent la typographie du début du 19e siècle par leurs formes épurées. Aboutissement du processus de rationalisation engagé à l’époque classique, les Didones doivent leur nom à celui de la dynastie d’imprimeurs et d’éditeurs français Didot et à l’imprimeur parmesan Gianbattista Bodoni. Elles sont aisément reconnaissables à leur verticalité, le très fort contraste entre pleins et déliés et à leurs empattements parfaitement horizontaux.

Le plus incontestable des styles, le plus personnel, le plus facile à reconnaître. Le vocable qui les définit est un salut à deux oeuvres, deux doctrines qui s’interpénètrent trop exactement dans le temps et dans le spirituel pour qu’il soit possible de les envisager séparément.

Bodoni + Didot = Didones.
La révolution typographique Didone fut parallèle aux révolutions politiques de l’époque. Seule, elle aura mérité le titre d’absolument moderne.

Stricte, austère, logique – mais respectueuse du canon – la Didone est un hommage à la Déesse Raison.

C’est pourquoi elle régna d’abord sur la typographie latine : avant que sa simplicité citoyenne, ses vertus d’anonymat, ne l’étendissent aux démocraties du monde entier. Maigre total et noirs absolus : la Didone trouve dans sa discipline intérieur le secret des oppositions romantiques. Poussez la « classique », exagérez ses contrastes, et ce caractère de haute dignité perdant toute mesure éclate en audaces, en coups de gong et de gueule, en appels aux armes – léttéraires, politiques, publicitaires.

Le monde des Didones est un univers en soi.

Exemples : Didot, Bodoni, Fairfield, Walbaum, Caledonia, ITC Fenice

Les Mécanes

Les Mécanes

Les Mécanes

Les Mécanes s’inspirent des inscriptions monumentales de l’antiquité. Également appelées Egyptiennes en référence au très fort intérêt pour l’égyptologie qui régnait à l’époque de leur lancement (début du XIXe siècle), les Mécanes sont des caractères construits, aux empattements épais et caractérisés par un faible contraste pleins/déliés.

Carrément basées sur le rectangle. L’empattement terminal est devenu un organe différencié, de même poids que les hampes uniformes et les courbes géométrisées. Une lettre d’ingénieurs, de polytechniciens. Son ascension accompagne celle de la bourgeoisie et de la machine. La « Mécane » est le caractère de l’ère mécanique. Elle est, en typographie, l’apport du siècle de l’Industrie.

La mécane est utilitaire; si elle clame, c’est pour vendre : des produits ou des idées. Elle sert à la « réclame », et à l’affiche électorale.

Mais elle est de son temps : sa forte structure en fait le support idéal des ornementation exubérantes. La concurrence de la lithographie ayant mis au défi la lettre fondue de multiplier ses effets, la Mécane se prête aux foisonnemnt du décor romantique : alphabets ornés, ajourés, perlés, éclairés, ombrés, grisés, illustrés. La Mécane inaugure le trompe l’oeil, que nous ramènent aujourd’hui la typographie du relief et le photographisme tridimensionnel.

Avant toute autre, la famille bien empatté des Mécanes a parcouru toute la gamme des graissses et des chasses.

En trouvant le temps d’engendrer les Italiennes, et mainte mirifique fantaisie qui n’a pas dit son dernier mot.

Exemples : Cooper Black, Rockwell, Lubalin, American Typewritter, Clarendon, Officina, Scala

Les Linéales

Les linéales

Les Linéales

Les Linéales correspondent aux caractères bâton (sans empattement) de la typographie moderne. Sous le vocable de Linéale, Vox a regroupé l’ensemble des caractères sans empattements (sans serif en anglais). Suivant les époques, on les a également appelées Grotesque, Antique ou encore Bâtons.

On la disait « antique », alors qu’elle symbolise la typographie moderne. Elle n’est pas le produit de la pierre égéenne, mais de la pierre lithographique. Il est naturel au trait de s’arrêter où il veut, sans se doubler lui-même. La « lettre bâton » fut, est encore chère aux architectes et aux petits enfants.

Sa simplicité plaît aux simples, qui sont souvent les raffinés.

Les « Linéales » doivent leur prodigieux essor comtemporain à deux mouvements croisés : le fondamentalisme typographique d’Eric Gill et ses disciples, le Bauhaus de Dessau et sa doctrine fonctionaliste en architecture et arts appliqués. En France, le goût « précieux » d’un Paul Iribe attendait…

LA typographie linéaire, ou « Linéale » n’a plus besoin d’être définie; répandue dans tous les pays de l’Europe, elle a créé l’aspiration vers une synthèse européenne.

Son succès lui a valu des reproches, parfois mérités, de sécheresse et de facilité.

Mais ses vertus de lisibilité, de pureté, de distinction fool proof continuent, jusque dans le livre et le magazine, à la tenir à l’abri du chômage.

La Linéale simple a cessé d’évoluer; la Linéale double (à deux graisses) s’évade vers les apparentements de l’avenir, qui s’annoncent fructueux.

Exemples : Peignot, Univers, Frutiger, Helvetica, Gill Sans, Syntax, Bliss, Avenir, Legacy Sans, Avant Garde, Futura, eurostile, Gotham

3 – Famille des caractères d’inspiration calligraphique

Incises, Scriptes, Manuaires, Fractures

Le groupe des Incises, Scriptes et Manuaires constitue la trilogie des caractères d’inspiration calligraphique.

Les Incises

Les Incises

Les Incises

Les Incises tiennent leur nom de la parenté qui caractérise leur propre forme et celle de caractères gravés dans la pierre ou le métal. Proches des Linéales, leurs empattements sont souvent petits et triangulaires.

C’est un style d’exécution, qui influence la forme au point de la marquer d’un air de famille.

Voici cinquante ans, les « latines » faisaient florès : sans distinction, d’une élégance factice, ce caractère commercialisé, au demeurant lisible dans les inscriptions murales, se définissait comme une lettre de gravure uniforme munie d’empattements triangulaires, poussés jusqu’à l’aigu. Elles sont tombées en désuétude.

Mais leur place était à reprendre : les techniques de la gravure originale, ont rendu à l’artiste graphique le sens de la taille directe. Un membre de lettre, même non écrit – incisé – a son mouvement, que traduit l’outil des deux côtés du trait. Modulation de celui-ci, élargissement de sa base, cassure du sens giratoire des orbes : tels sont les signes distinctifs des Incises. Cette catégorie, après les éliminations nécessaires, est peu copieuse en lettre fondues, hormis quelques prototypes notoires. C’est cependant dans l’ex-classe des « Latines » que le mouvement des esprits et la sensibilité de notre temps prépare les prochaines émergences.

L’Incise rompt l’uniformité de la page sans rompre avec la tradition.

Exemples : Copperplate Gothic, Goudy Sans, Albertus, Trajan, Lithos, Optima

Les Scriptes

Les scripts

Les Scripts

Les Scriptes imitent l’écriture calligraphique écrites à la plume : non le dessin, non la taille gravé, mais le mouvement de la main qui écrit.

Ce qui n’est d’aucun temps, et de tous les temps.

Les Scriptes sont d’un usage limité par la difficulté de les employer à des textes pleins; leur multiplication s’exprime par la multiplicité des petits imprimeurs.

Elles sont manuscrit en casse, de l’originalité en comprimé.

Les unes sont calligraphiées : elles datent du temps où les Anglaises, dans les emplois de travaux de ville, eurent à lutter avec les lithographiques.

Les autres sont, ou se veulent personnalisées; rares sont celles qui, graphologiquement, suggèrent une individualité attrayante.

Mode, publicité, élégance, féminité – ces concepts ont d’autant plus besoin de Scriptes typographiées que plus pauvre se montre l’imagination des scrbes praticiens.

Quant aux semi-écrites, comme le Klang, le Contact, le Studio, elles formeent une classe typiquement intermédiaire de Scriptes-Manuaires.

Ainsi, de jour en jour la typographie est-elle poussÉe à la limite de ses frontières traditionnelles. Le travail à faire, par les Neuf Familles qu l’on s’est appliqué à définir, est cependant à l’intérieur du beau domaine de la Lettre d’Imprimerie.

Car, comme le disait Candide : « Il faut cultiver notre jardin. »

Exemple : Brush Script, Ex Ponto, Zapfino, Poetica, Zapf Chancery

Les Manuaires

Les Manuaires

Les Manuaires

Les Manuaires Sous la rubrique Manuaires se trouvent réunis les types de lettre où prédomine nettement l’influence de la main; ce sont les séries qui reproduisent volontairement les caractéristiques du dessin manuel (à ne pas confondre avec l’écriture cursive). C’est-à-dire qui – quelle que soit leur origine – s’inspirent de principes antérieurs au développement de la fonderie typographique.

Les Manuaires se divisent donc en deux sous-groupe principaux :

  • d’une part, les types dérivés des manuscrit du moyen âge et des reproductions mimétiques de Gutenberg; ils comprenneent les diverses variétés de gothiques abandonnées par les pays latins, réservées à des emplois spéciaux en pay anglosaxons, mais d’un usage encore plus ou moins courant en pays germaniques et nordiques : textura, rotunda, schwabacher, fraktur, etc.; ainsi que des néo-onciales et tourneures.
  • d’autre part, les créations comtemporaines où la main du concepteur s’est libérée des conventions de style, sans pour cela verser dans la fantaisie. L’époque 1900, associée à l’art nouveau, vit éclore une floraison de Manuaires. Les artistes du demi-siècle placeront dans cette section leurs créations les plus personnelles.

Les Fractures

Les Fractures regroupent les caractères dit brisés ou vulgairement gothiques, en référence aux écritures médiévales manuscrites. Largement inspirés d’une esthétique qui privilégie le monumental à la lisibilité, ces caractères se reconnaissent aisément à leurs formes pointues et anguleuses et à leurs panses cassées.

4 – Les caractères non latins ou Orientales

Les Orientales regroupent les familles parfaitement hétérogènes. La famille des caractères Orientales regroupe les versions typographiées des grandes écritures qui ne sont pas basées sur l’alphabet latin. (caractères Arabes, Chinois …)

Source : Pixenjoy webdisign